Chronique : Réparer les vivants, le coup au cœur


De quoi ça parle ?

Simon Limbres est un jeune homme vif et vigoureux, accro au surf, une passion transmise par son père. Avec ses amis, il se lève aux aurores pour chevaucher les plus belles vagues du Havre. Mais un beau jour, c'est l'accident, qui plonge Simon dans un coma sans retour.

Ce que j'en ai pensé ?

C'est l'histoire d'une transition, de la vie à la mort et de la mort à la vie. C'est l'histoire d'un deuil qu'on ne peut pas faire, mais d'un deuil qui est nécessaire pour avancer. C'est la difficulté de ressentir et d'accepter la mort lorsque l'enveloppe corporelle est si préservée et que le cœur bat toujours. C'est aussi la prise de conscience que la fin n'est pas synonyme de conclusion, qu'un cœur qui bat, même dans un corps mort, est un potentiel de vie exploitable et inespéré.

C'est l'histoire d'une transplantation d'organes. Celle qui sauvera des vies, celle qui permettra aux organes de continuer leur noble labeur. Celle qui permettra au cœur de continuer à battre, dans un autre corps. Le cœur est l'élément central du roman, si essentiel. Il donne le rythme, un rythme soutenu, des phrases longues mais fluides, telle la vague que chevauche Simon au début du récit. Un récit poignant, puissant, chargé d'émotions, chargé de vie, même dans la douleur et la perte.

Cette lecture a été bouleversante. Maylis de Kérangal a ce don de faire ressentir les émotions les plus profondes des personnages. Elle crée avec ce roman une toile, liant les uns et les autres, tissant un fil conducteur autour de la mort mais aussi - et surtout - autour de la vie. On comprend que l'un ne va pas sans l'autre. On comprend aussi l'importance du don d'organes, l'importance de céder un corps dont le mort n'a plus besoin, aux vivants qui le nécessitent. Tout cela sur 24 heures, la durée du récit.

Je n'ai pas l'habitude de ce genre de lectures, et pourtant j'ai été conquise. Le style de l'auteur prend quelques pages avant de se faire accepter complètement, mais il est nécessaire au récit. C'est dans ces longues phrases rythmées que l'on perd son souffle et que l'on ressent l'urgence de la situation. Le seul point négatif que je pourrais relever sont ces passages sur les personnages qui s'éloignent du fil principal, qui redonnent un nouveau souffle au récit, mais c'est justement ce nouveau souffle qui en atténue l'intensité. D'une façon totalement subjective, j'ai besoin que ma lecture me coupe la respiration, qu'elle m'oppresse jusqu'à me faire monter les larmes aux yeux - en tout cas sur ce genre d'histoire - et cela m'a manqué. Mais ce n'est qu'un détail dans un livre grandiose qui m'a renversée. Je ne peux que le recommander !

Les infos

Titre : Réparer les vivants
Auteur : Maylis de Kérangal
Éditions : Folio (mai 2017, 300 pages)
Genres : Roman, contemporain, drame
Ma note : 18/20 ♥

Nam

Commentaires

  1. Ce livre <3 <3 <3 <3
    Par contre c'est marrant mais le point négatif que tu soulignes à la fin c'est quelque chose que moi j'ai adoré ! Je trouve ça encore plus fort de rentrer dans la tête de tous ses personnages, de nous en décortiquer les moindres aspects, les peurs, les faiblesses, les espoirs, les envies...
    Pour une fois les personnages ne sont pas simplement au service de l'intrigue, ce sont des gens qui ont un vrai passé, un futur... La transplantation n'est qu'un moment dans leur existence (plus ou moins important ce moment) et le coeur de Simon nous emmène d'une personne à l'autre et le contexte de crise place en plus un genre de filtre révélateur. Et le style de Kérangal est juste à couper le souffle dans ces moments là parce que ses phrases longues et leur rythme fou nous met vraiment (selon moi en tout cas) au plus près du flux indistinct et ininterrompu des pensées... Pour moi c'est un des livres les plus humains que j'ai pu lire. Voire LE livre le plus humain, dans le sens où il est vraiment proche de ce qu'est un humain, dans sa complexité, ses contradictions et surtout son rapport à la vie, dans une espèce de fureur. Et les passages sur les personnages montre que chaque personnage a sa propre fureur (par fureur j'entends ici force vitale), chaque fois un peu différente, et qui a différentes sources ou différents objets... Enfin bref je commence à m'égarer (et en rajouter par rapport à la première version de ce commentaire...)
    En tout cas moi je mets 20/20 haha !

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    1. Haha non mais écrit une chronique tant que tu y es :P je comprend tout à fait ton point de vue et je suis totalement d'accord, c'est juste au niveau de mon ressenti que ça diffère, mais tout le reste y est ! ;)

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